Comment réaliser une structure hydrophobe : principes physiques d'hydrophobie
Le lotus est donc non seulement une plante qui ne se « salit » pas, mais aussi dont les feuilles sont très peu mouillées par l'eau. On devine donc l'intérêt pratique qu'il peut y avoir à synthétiser de tels matériaux : les gouttes les fuient, et ils restent secs après une exposition à l'eau donc se nettoient très facilement. Stimulés par les applications potentielles (bétons ou verres hydrophobes, pare-brise antipluie, revêtement antigivre, lunettes antibuée, etc), les chimistes et les physiciens ont multiplié depuis une dizaine d'années les procédés pour fabriquer de telles surfaces.
Pour pouvoir créer de nouveaux matériaux présentant les propriétés de la feuille de lotus, les chercheurs ont dû utiliser des lois physiques concernant les propriétés de mouillage pour une surface, mais également d'autres paramètres comme la tension superficielle et les tensioactifs. La recherche pour fabriquer de tels matériaux ne se limite donc pas seulement aux surfaces solides, mais aussi à étudier les composés hydrophobes liquides.
a) Tension superficielle
En fait, à l'endroit de rencontre entre 2 milieux, la matière n'est pas tout à fait dans le même état que dans le reste du milieu. Cet état local est soumis une énergie supérieure, une tension : la tension superficielle. La tension superficielle est donc la tension qui existe à l'interface de séparation de deux milieux, et qui est dûe à la force de cohésion entre les molécules de ces milieux.
→ La tension superficielle est une force par unité de longueur, exprimée en N/m, qui varie – hormis en fonction de la composition moléculaire des matières – en fonction de la température.
Dans un tube, par exemple, la tension superficielle est montrée par les coudées qui se forment sur les bords. Il est également aisé d'observer cette force en faisant flotter un petit objet à la surface de l'eau.
Dans un tube, par exemple, la tension superficielle est montrée par les coudées qui se forment sur les bords. Il est également aisé d'observer cette force en faisant flotter un petit objet à la surface de l'eau.
L'étude des interfaces entre deux milieux non miscibles est appelée capillarité. Cette étude concerne uniquement la surface des milieux qui ne peuvent se mélanger, par exemple entre un liquide et l'air ou entre un liquide et une surface. La capillarité s'explique donc par la tension superficielle; en reprenant l'exemple du tube : lorsque l'on étudie les coudées du ménisque formée par le liquide, c'est la capillarité. Lorsque l'on comprend la formation de ces coudées, c'est grâce à la tension superficielle.
Après avoir étudié les propriétés des gouttes en général (c'est l'intérêt de la capillarité dans notre cas), on a constaté qu'au contact d'une surface quelconque, les forces d'adhérence des gouttes sont telles qu'elles provoquent un mouillage (ou humectage) de celle-ci. Cependant en fonction de la texture de la surface donc de sa nature, plutôt hydrophobe ou plutôt hydrophile, et selon la tension superficielle des gouttes du liquide, on peut trouver un mouillage nul, partiel voir complet, comme nous l'avons vu précédemment.
On a alors remarqué que les gouttes d'eau ont tendance à rétrécir leur surface sur un solide hydrophobe, et par conséquent à tenter de prendre une forme sphérique, en raison de la tension superficielle.
Dans le cas de la feuille de lotus, super-hydrophobe de par sa surface, ce mouillage est très faible, et la tension superficielle. C'est pourquoi les gouttes ruissellent sans mouiller les feuilles de lotus.
Un tensioactif ou agent de surface est
un composé qui modifie la tension superficielle entre deux surfaces. Un agent
tensio-actif est un corps qui, même utilisé en faible quantité, modifie de
façon importante la tension superficielle, en particulier celle de l'eau.
Remarque:
La majorité des agents tensio-actifs abaissent la tension superficielle de
l'eau, à l'exception des sels minéraux ou des bases
(sauf l'ammoniac),
Les composés tensioactifs sont des molécules amphiphiles, c'est-à-dire qu'elles
présentent deux parties de polarité différente, l'une lipophile (qui retient
les matières grasses) et apolaire, l'autre hydrophile (miscible dans l'eau) et polaire.
Ils
permettent ainsi de solubiliser deux phases non miscibles, en interagissant
avec l'une apolaire (c'est-à-dire lipophile donc hydrophobe), par sa partie
hydrophobe; tandis qu'avec l'autre phase qui est polaire, il interagira par sa
partie hydrophile. Cette polarité s'explique grâce aux forces de Van der Waals.
On
parle aussi de surfactif, transposition du mot anglais « surfactant » qui est la compression de « surface active agent » : agent de surface actif. On trouve aussi parfois
le terme de « tenside ».
Suivant
leur nature et leur concentration les tensioactifs peuvent avoir plusieurs
rôles :
- Celui de détergent : ils enlèvent les taches, notamment de graisse : par frottement, les globules de graisse entourés de tensioactifs se fractionnent donnant des globules plus petits qui s'entourent à nouveau de tensioactifs et ceci plusieurs fois, jusqu'à se détacher de l'étoffe et se répartir dans l'eau de lavage. Ce processus est facilité par le fait que le tensioactif diminue la tension superficielle de l'eau favorisant le mouillage du tissu. On retrouve ainsi dans le commerce ces tensioactifs qui se présentent sous forme de sprays à diffuser sur une surface.
- Celui de mouillant : l'eau posée à la surface d'un solide a tendance à former des gouttelettes. En diminuant la tension superficielle, un agent mouillant permet un étalement de cette eau augmentant ainsi sa surface de contact avec le solide.
- Celui d'émulsifiant : un émulsifiant disperse sous forme de gouttelettes très fines un liquide au sein d'un autre liquide dans lequel il n'est pas soluble. En tant qu'agents émulsifiants ils facilitent la formation de gouttes en diminuant cette tension de surface, et permettent également d'empêcher la recombinaison immédiate de gouttes nouvellement créées via l'effet Marangoni, ce qui rend possible l'émulsification.
Pour connaître leur caractère hydrophile ou hydrophobe majoritaire, on
peut raisonner sur la valeur de leur HLB (« Hydrophilic-Lipophilic
Balance» → balance
hydrophile/hydrophobe), qui estime numériquement cet équilibre entre partie
lipophile et partie hydrophile. On attribue à chaque
tensioactif un nombre (indice HLB) compris entre 1 et 20, l'ensemble
constituant l'échelle de Griffin. L'indice 1 est donné à l'acide oléique et
l'indice 20 à l'oléate de potassium.
Cette
échelle permet d'apprécier le caractère plutôt lipophile ou au contraire plutôt
hydrophile d'un amphiphile et de savoir pour quelle application il est le mieux
adapté.
- Un indice HLB inférieur à 9 fera dire de l'amphiphile qu'il est lipophile : on l'utilisera alors comme agent antimousse si HLB<3, comme émulsifiant de l'eau dans l'huile si 3<HLB<6 et comme agent mouillant au delà;
- Un indice supérieur à 11 qu'il est hydrophile : on l'utilisera comme émulsifiant de l'huile dans l'eau si 9<HLB<13, comme détergent si 13<HLB<15 et comme solubilisant au delà.
Les tensioactifs sont nombreux sur
le marché, présentés sous la forme de sprays, qui disent rendre vos matériaux
(en particulier vitres et textiles : nappes de tables) auto-nettoyants, mais
attention ne vous y trompez pas : ils ne sont que des tensioactifs qui modifient
la tension superficielle. Ainsi, il est vrai que l'eau n’adhérera pas et
ruissellera comme sur une surface hydrophobe, mais ils ne remplacent en aucun
cas une véritable surface hydrophobe qui est texturée et réduira, en plus de
l'adhérence des gouttes l'adhérence des saletés. Ce ne sont en plus pas des
revêtements très durables, et peuvent être toxiques.
Un
composé hydrophobe, n'a pas la capacité de créer des liaisons hydrogène avec
les molécules d'eau. Il est aussi souvent apolaire,
ou de faible polarité, ce qui signifie qu'il ne peut pas faire d'interactions
électrostatiques avec l'eau, de type dipôle permanent (forces de Keesom). En
effet, la solubilité d'un composé dans un solvant dépend de manière générale
des interactions qu'il peut avoir avec le solvant. Un composé hydrophobe est
donc un composé qui ne peut pas interagir physiquement avec l'eau mais qui est
alors généralement plutôt soluble dans les solvants organiques, comme
l'acétone, les hydrocarbures légers, avec lesquels il peut faire des liaisons
de Van der Waals de type dipôle induit (forces de London). C'est un défaut de
beaucoup de plastiques, qui sont imperméables à l'eau mais détruits par
d'autres solvants.
Depuis
les recherches de Dettre et Johnson en 1964, de nombreuses études ont été
réalisées sur des surfaces super-hydrophobes afin de comprendre l'effet des
hétérogénéités physiques de ces surfaces sur leurs propriétés de mouillage.
Deux modèles permettent d'évaluer
l'angle de contact statique sue l'on peut observer sur une surface rugueuse :
le modèle de Wenzel, qui considère une surface rugueuse imprégnée par le
liquide, et le modèle de Cassie-Baxter, qui modélise le mouillage d'un substrat
rugueux lorsque le liquide n'envahit pas la rugosité et repose sur une
surface composite gaz-solide.
Cassie-Baxter - figure ci-dessus (b)
Tout d'abord Dettre et Johnson ont
mis en évidence le fait qu'une goutte d'eau ne peut reposer uniquement sur le
haut des aspérités d'une surface, cela implique donc l’existence de poches
d'air entre les aspérités. Ainsi si la rugosité est importante, le liquide
repose sur une surface composée de solide et d'air, c'est l'état Cassie-Baxter.
De plus, dans ce modèle, les angles
d'avancée et de reculée augmentent simultanément et l'hystérésis devient très
faible.
Remarque
: Cette relation a été explicitée récemment par David Quéré
pour des surfaces super-hydrophobes. La goutte étant petite, elle est
sphérique, ainsi la base de la goutte ne se déforme que très peu lors de
l'inclinaison.
Cette
loi physique, qui existe depuis 1944, considère donc dans sa forme générale le
mouillage statique d'une goutte liquide reposant sur une surface composite (gaz-solide).
Cet état, ou la goutte repose sur un
substrat composite formé par les sommets de la rugosité et les poches de gaz
piégées est appelé état appelé « état
fakir ». La goutte a une très faible résistance hydrodynamique.
Cette propriété
rend de tels matériaux utiles pour de nombreuses applications allant de
l'enduisage à la micro-fluidique
car il est donc possible de créer des interfaces dont l'angle de contact est
très grand.
Wenzel - figure ci-dessus (a)
Cependant,
selon les caractéristiques de la surface et du caractère hydrophobe du
matériau, le liquide peut entrer et remplir les micro-structures, donnant lieu
à un état énergétiquement plus favorable, avec un angle de contact effectif
plus faible appelé « état Wenzel ». La caractérisation des propriétés dynamiques
lors de la transition de l'état Cassie-Baxter vers Wenzel est cruciale, la
capacité du liquide à s'étendre et à remplir les micro-structures dépendent du
motif de la surface ainsi que du caractère hydrophobe du matériau. La
transition de l'état de Cassie à celui de Wenzel est très complexe à expliquer.
Dans
le modèle de mouillage d'un liquide sur une surface rugueuse développée par
Wenzel, on considère une goutte déposée sur une surface chimiquement homogène
et rugueuse, et l'on suppose que le liquide formant la goutte envahit
complètement les crevasses (anfractuosités) de la surface. Pour une telle
surface,on peut définir le rapport r
(r >1) de la surface
réelle du matériau et de sa surface apparente (la surface apparente étant la
surface crée par la projection de la surface réelle sur un plan).
En
supposant que la goutte est très grande par rapport à l'échelle de rugosité et
qu'elle se raccorde localement au solide, l'angle de contact statique donné par
la relation de Young Dupré va être cette fois plus élevé que dans l'état de
Cassie-Baxter.
Remarque : Le modèle de Wenzel autorise l'apparition
d'une transition vers le mouillage nul (angle de contact formé par la goutte
sur la surface = 180°) lorsque r est suffisamment élevé.
Pour
récapituler :
Les états
de Wenzel et Cassie-Baxter sont des modèles de surface hydrophobes. La
situation d'hydrophobie pour la feuille de lotus est celle de l'état
Cassie-Baxter, qui sera plus intéressant pour de nouveaux matériaux
hydrophobes.
En
résumé, toutes ces notions de mouillage, de tension superficielle, mais aussi
les modèles de Wenzel et Cassie-Baxter, ont participé à aux recherches sur
l'hydrophobie des matériaux.
Ces recherches ont ainsi permis de
comprendre comment créer des surfaces présentant l'effet lotus : cet effet de
super-hydrophobie peut être recréé sur une surface qui va être nanostructurée
(tapissée de nanoruguosités, appelées nanotubes), ce qui provoquera une
suspension du liquide sur les extrémités de ces nanorugosités (ce qui
correspond à l'état de Cassie-Baxter), donc qui entraîne un mouillage partiel
de la surface en question.
Il
faut donc fabriquer une structure qui présente des pointes micrométriques
parfaitement organisées. Les premières structures de ce type ont été réalisées à la fin des années 1990 par
José Bico au Collège de France ou encore
Christian Marzolin, de la société Saint-Gobain.
Plus
récemment, des chercheurs de l'université de Twente ont par exemple développé
une technique pour structurer une surface plastique avec un laser femtoseconde.
L'avantage d'un tel laser est d'obtenir une coupe bien précise avec un minimum
d'effet thermique (débris). Dans un premier temps, la surface est marquée par
une rugosité aléatoire et par de fines ondulations, qui sont espacés de 600/700
nm. La seconde étape marque des lignes perpendiculaires aux premières ondulations.
L'ensemble forme une structure de piliers de 10 µm.
Le
chercheur du CNRS que nous avons rencontré travaille cet aspect de nanotubes,
rendant une surface hydrophobe, mais pour une application paramédicale.
comment s'appelait votre contact s'il vous plait ?
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